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Creators Club : WomenBeats avec Daphné Honigman, Léna Le Roux Bourdieu et Juliette Fournillon

À l'occasion de l'annonce de la troisième lauréate du dispositif, nous avons pu échanger avec celles qui oeuvrent pour "WomenBeats" ! 🎤


Daphné, Léna et Juliette nous parlent de ce programme de soutien aux artistes émergentes. L'idée est née suite au constat de la sous-représentation des femmes dans les programmations franciliennes - notamment dans le réseau des musiques du monde - et à une volonté d'œuvrer pour plus d'égalité 🌟


Nous sommes fier•es d'être partenaire de ce projet, et on vous invite à en découvrir davantage juste ici 👇



Qui êtes-vous ? Présentez-vous !

Daphné : Moi c’est Daphné Honigman, j’ai fondé WomenBeats en 2019 pour agir sur la sous-représentation des femmes sur les scènes de musiques actuelles. Je dirige également l’association FAR EAST PROD dont dépendent les projets WomenBeats et Dérives Festival. Cette structure conçoit, produit et organise des événements et projets culturels autour des scènes musicales émergentes et alternatives du monde. En parallèle, je suis aussi programmatrice musicale au sein du tiers-lieux Mains d’Œuvres à Saint-Ouen.


Léna : Hello ! Je suis Léna Le Roux Bourdieu, chargée d’accompagnement artistique pour WomenBeats. J’ai rejoint Daphné en septembre dernier pour lui apporter soutien dans le lancement du programme, que je coordonne aujourd’hui.

Je suis tout autant investie via mes activités annexes dans cette volonté de représentation des femmes dans la musique et de soutien pour une plus grande légitimité. Je propose de l’accompagnement pour des DJs et productrices en cours de professionnalisation, j’organise des soirées avec des programmations à majorité féminine, et je suis bookeuse également en agence.


Juliette : Hello ! Moi c’est Juliette, je suis assistante de production chez WomenBeats depuis mars 2022. J’assiste Léna et Daphné dans les missions du quotidien, relatives à l’accompagnement de la lauréate, aux évènements, puis au développement du programme en lui-même. J’ai rejoint l’équipe en parallèle de ma dernière année d’étude en Master de Direction de Projets Culturels à Paris 1. Initialement, j’ai plutôt un profil en production d’exposition et c’est mon envie forte de musique qui m’a fait saisir cette opportunité. En parallèle je finalise une première édition magazine portraiturant des artistes dans leur processus artistique et développe un projet vidéo focus sur la mise en avant de la musique à l’image.


Quel est votre constat de la place des femmes dans les programmations franciliennes musicales ?


Daphné : elle est encore trop faible ! Mais le chemin parcouru depuis 2017 et le début du mouvement #MeToo est déjà très encourageant. Certains festivals de musiques actuelles arrivent aujourd’hui à approcher la parité dans leurs programmations, ce qui était très loin d’être le cas il y a seulement cinq ans. Par contre, certaines esthétiques, spécialisations, instruments sont encore très identifiés comme masculins. Au-delà du simple manque de représentation des femmes dans les programmations musicales existent de nombreux blocages à la professionnalisation des musiciennes. Si nous œuvrons à une meilleure visibilité de ces artistes à travers ces événements, notre dispositif d’accompagnement consiste à travailler sur ces blocages que traversent la majorité des femmes et minorités de genre lorsqu’elles doivent prendre la décision d’en faire leur carrière ou non. Ceux-ci sont souvent multiples : manque de confiance en soi, syndrome de l’imposteur, difficulté à se faire un réseau (croyance selon laquelle il faudrait tout apprendre et tout produire avant d’oser se montrer), se mettre en scène, être vulnérable. On constate également une grande peur du jugement et du dénigrement sociétal, ce à quoi sont souvent confrontées les femmes qui décident de dédier leur vie à une carrière dans laquelle vie professionnelle et vie personnelle sont intimement liées ; et où le reste passe souvent au second plan. Il existe chez beaucoup d’artistes féminines des mécanismes de défense et d’autoprotection extrêmement ancrés, qui deviennent des poids et un motif de découragement lors de la professionnalisation. Enfin, il peut aussi y avoir des enjeux culturels qui empêchent les femmes ne serait-ce que de considérer leur potentiel d’artiste créatrice comme un véritable métier auquel elles peuvent prétendre.


WomenBeats c’est quoi ?


Léna et Daphné : WomenBeats est un programme de soutien aux musiciennes actives dans le processus de création de leurs œuvres (auteures, compositrices, interprètes) en début de carrière. En matière d’esthétiques musicales, nous valorisons les projets de musiques actuelles hybrides qui valorisent des influences culturelles diverses et le mélange de cultures. Nous accompagnons quatre artistes ou groupes par an. L’objectif est de leur donner les clefs de compréhension de l’écosystème de l’industrie musicale et la confiance en elles nécessaire pour se lancer sereinement dans une carrière artistique, et en s’en sentant légitime. Plus concrètement, on tente de répondre aux questionnements que tout·e artiste se pose en début de carrière : qu’est-ce qu’un·e éditrice ? De quoi est fait le paysage musical actuel ? Comment sortir un EP et établir une stratégie de communication ? Comment trouver un·e bookeur·se ? Depuis qu’on a commencé le programme, on s’est vraiment rendu compte que beaucoup d’artistes ne maîtrisaient pas les bases de l’écosystème et ne comprenaient pas encore les différentes acteur·ices qui le composent. Et c’est tout à fait normal ! Seulement, l’une des différences de comportement selon les genres est que beaucoup d’hommes se sentent plus à l’aise dans un fonctionnement de co-optation, osent plus agir et poser des questions instinctivement et spontanément. A l’inverse, les femmes ont souvent peur d’être décrédibilisées si elles ne maîtrisent pas entièrement le sujet qu’elles vont aborder. On s’est donc dit qu’il fallait aider ces artistes à mieux connaître l’univers de l’industrie musicale, son langage, ses différent·e·s protagonistes, mais aussi et surtout à se construire un réseau et ne pas craindre l’échec afin de gagner en assurance.

L’idée est de leur donner un maximum de clés, dans tous les domaines (communication et marketing digital, booking, édition, relations presse, etc), et susciter cette petite impulsion qui va leur permettre d’être plus confiantes et d’aborder les choses avec plus d’espoir et de sérénité.



Quel est votre but avec le dispositif que vous avez lancé ?


Léna : L’objectif noyau de WomenBeats est de favoriser une meilleure présence et une meilleure représentation des artistes féminines dans le paysage musical actuel et dans les programmations. Lorsque nous avons lancé le projet et constaté les chiffres affolants de 2015-2016, elles ne représentaient alors que 17% des auteur.rices - compositeur.ices et seulement 2% des groupes programmés par les grands festivals en 2015-2016 (sources : D.I.V.A infos | Change de disque | CNM | ArtCena). Comment se sentir prête à se lancer dans l’industrie musicale quand nous n’avons que très peu d’artistes modèles ? Comment se soutenir mutuellement lorsque réussir à être une femme dans un milieu d’hommes relève d’un accomplissement extraordinaire qui nous pousse malgré nous à dévaloriser la présence d’un entourage et d’une concurrence féminine ?



L’idée est aussi d’établir notre champ d’action dans les musiques actuelles hybrides qui valorisent le mélange de cultures, et agir donc pour une plus grande diversité : nous souhaitons soutenir et mettre en avant des projets fusionnant des influences culturelles, traditionnelles et ethniques diverses, avec des techniques d'instrumentalisation modernes (électroniques ou acoustiques).


Que proposez-vous dans le programme d’accompagnement ?

Léna : Nous personnalisons le programme selon chaque lauréate, chaque nouvel accompagnement est un nouveau voyage ! Nous pouvons agir sur le développement du projet musical de l’artiste, via des conseils en direction artistique, sur son positionnement et le fil rouge de son projet, ou via l’élaboration de stratégie de communication. Nous proposons aussi des sessions en studio de répétition et salle de concert pour une mise en condition live, ainsi que des séances de coaching scénique. Notre champ d’action s’étend de plus sur la structuration des projets et leur professionnalisation, en organisant des points sur les démarches administratives nécessaires, l’identification de dispositifs d’aide, etc. Ces coachings et sessions de conseils sont délivrées soit par notre association, soit en collaboration avec nos partenaires, qui sont tou·te·s professionnel·le·s du secteur musical et représentent tous les corps de métiers (éditeur·ices, manageur·se, bookeur·se, attaché·e de presse, etc). Nous actionnons également un levier de diffusion en programmant nos lauréates lors des soirées trimestrielles WomenBeats, mais aussi dans le cadre d’événements partenaires. Nous axons ces 2 mois sur la prise en compte des problématiques spécifiques aux femmes et aux minorités de genre à l’œuvre dans l'industrie musicale, via l’identification de points de blocages, discussion sur la légitimité, l’acceptation, et la confiance en soi.



Daphné : Enfin, accompagnées de nos lauréates, nous organisons des ateliers de transmission avec un lycée professionnel de Saint-Ouen. L’idée est de présenter à des élèves du lycée – en non-mixité – les métiers de la création artistique et de la technique afin de valoriser la présence de modèles féminins, tout en les sensibilisant sur les questions de syndrome de l’imposture et de confiance en soi.

Comment s’effectue la sélection des lauréates ?


Léna : Pour les deux dernières éditions nous sommes passées par la plateforme Groover. Nous recevons les candidatures, nous faisons un premier tri, puis envoyons ensuite aux artistes qui correspondent à nos critères un formulaire assez complet nous permettant d’avoir plus d’informations : la genèse de leurs projets, pourquoi postuler à un programme d’accompagnement comme le nôtre, leurs projets futurs, etc. On a besoin de sentir que l’artiste/le groupe est motivé·e, et qu’iel comprend notre programme et ses enjeux. Nous retenons ensuite une dizaine d’artiste, que nous présentons à notre jury de professionnel·le·s, constitué de nos partenaires WomenBeats, afin de débattre et de ne retenir que 3 projets. Nous organisons ensuite des mini entretiens avec ces 3 artistes afin de pouvoir avoir un premier contact humain - très important – et discuter plus amplement des projets et des besoins vis-à-vis de l’accompagnement.


Quelle a été l’évolution des deux précédentes lauréates ?


Daphné : Niariu a sorti son EP juste après l’accompagnement, ce qui fut été pour elle un vrai champ de bataille, dû notamment aux reports liés à la crise sanitaire. Elle a ensuite été finaliste du tremplin Give Me Five ! du réseau MAP en mars. Le 17 juin prochain, elle se produira en ouverture du nouveau festival féministe belge Bru·X·elles. Elle est également en train de travailler une nouvelle version live avec des musicien·ne·s acoustiques.



Léna : Morjane, quant à elle, a été sélectionnée par la Women Metronum Academy à Toulouse pour leur programme de mentorat musical féminin, ce qui va venir consolider son projet et le travail qu’on a débuté avec elle. Elle a aussi fait une tournée solo en Islande en avril, et nous est déjà programmée sur quelques dates en région parisienne cet été.



Qu’est-ce qui vous rend fières de porter un projet comme celui-ci ?


Léna : Quand les lauréates nous disent – post accompagnement – qu’elles se sentent beaucoup plus légitimes en tant qu’artiste et ont encore plus la gnaque pour développer leurs projets ☺


Daphné : Avoir la chance de pouvoir constater l’évolution des artistes que nous accompagnons, le chemin parcouru et leur épanouissement en tant qu’artiste.


Juliette : Énormément de choses, la démarche est parlante et précise. Il y a une réelle force dans l’action portée par WomenBeats car il s’agit de considérer l’humain derrière l’artiste. L’idée est d’approfondir la démarche, les envies, les besoins et de participer à donner aux musiciennes toutes les cartes en main pour qu’elles acquièrent une conscience globale de leur métier, et donc de l’indépendance et de la confiance. J’aime énormément accompagner les artistes et j’ai appris au travers du programme que faire ce travail-là en tout début de carrière est primordial. C’est un moment crucial où beaucoup d’insécurités refont surface. WomenBeats est un espace sain qui aide les femmes à se positionner et à s'épanouir dans ce qu’elles font. On est fières de pouvoir avoir une action sur tout ça.


Présentez-nous la dernière lauréate de cette année 2021-2022 !

Léna : Anaïs Rosso a été un coup de cœur immédiat pour moi à l’écoute des candidatures. On a découvert son art via son morceau June. Autodidacte, auteure-compositrice-interprète, Anaïs mélange les genres et invoque aussi bien le blues, la pop, le baroque, que l’électro avec l’utilisation de ses machines. Elle chante en anglais, français, et lingala, et traite dans ses textes de sujets aussi forts que durs : cette artiste arrive à rendre la mort et la souffrance accessibles et belles. Elle questionne aussi l’identité sous toutes ses formes, et revêt les vestes de plusieurs personnages quand elle chante, telle une conteuse d’histoire.


Daphné : Anaïs est un caméléon. Son histoire personnelle l’a poussée à s’adapter à tous types de circonstances et d’interlocuteur·ices, et cela transparaît dans son projet artistique. Elle est également très à l’écoute, ce qui lui permet d’avoir l’intelligence émotionnelle et situationnelle nécessaire pour développer un projet moderne et cohérent sans pour autant renier son identité et ses influences multiples. Tout cela lui donne une personnalité artistique extrêmement singulière et étonnante, et on est très excitées de voir démarrer cette carrière atypique qui va très certainement marquer les esprits !



Où aimeriez-vous en être dans 5 ans ?


Daphné : Quelque part où on se sent bien, où nos actions font sens et où on se sent entourées de personnes inspirantes, drôles et bienveillantes. Comme maintenant ! Je n’aime pas trop me projeter à long terme, pour moi c’est important de rester alerte et ouvert·e·s à tout ce qu’il se passe dans la vie et dans la société, de manière à pouvoir agir avec pertinence sur ce qui nous semble important sans s’enfermer dans un schéma tracé, autrement la prise de recul devient plus difficile.


C’est quoi votre dernière découverte musicale ?

Léna : j’en ai trop ! Je vous conseille l’EP très chimérique et ambiant-instrumental de l’artiste Elisabethia Visions of the golden hour, notamment le morceau Chiffon. Sinon je voue un culte depuis peu à l’artiste espagnole Kora, notamment grâce à son dernier album Fuera de Lugar, et le morceau Como si nada qui est un petit puit de lumière.


Daphné : peut-être pas les dernières, mais dans les découvertes qui m’ont marqué cette année (hormis les artistes WomenBeats bien sûr !), je peux citer Kalika avec sa poésie trash et son univers de dingue, et Mimaa et son flamenco-trap du futur.


Juliette : Je dirais que la toute dernière fut Orchestra Baobab que j’ai découvert en explorant la programmation du festival Pete The Monkey 2022. Je suis également retombée sur Voilaaa, KOKOKO!, Los Bitchos et Ami Yerewolo qui, dans des styles très différents, sont à réécouter en boucle !


Une soirée WomenBeats cela ressemble à quoi ?

Daphné : De la bonne musique, des découvertes d’artistes trop peu diffusées en France, des bonnes bières et beaucoup de bienveillance ! Artistes ingénieuses, charismes magnétiques, rythmes frénétiques, les tumultueuses soirées WomenBeats débarquent à Petit Bain pour la dernière de la saison ! Rendez-vous le 15 juin 2022 à Petit Bain, au programme :

  • À partir de 18h30 : DJ set by Beats By Girlz France sur le rooftop de Petit Bain.

  • À partir de 20h : soirée spéciale showcases WomenBeats avec Anaïs Rosso, lauréate de printemps, Morjane Ténéré, lauréate d’hiver, Niariu, lauréate d’automne et Frieda, marraine 2021-2022 du programme.

Toutes les informations à retrouver sur l'event Facebook.



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